Confinée par nature
Grande commande photographique du Ministère de la Culture - BNF
Projet proposé dans le cadre de la Commande photographique « Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire » portée par la Bibliothèque Nationale de France et initiée par le Ministère de la Culture.
Au tout début, pour faire le portrait du territoire Creusois, je suis parti un peu au hasard, arpentant des lieux déjà traversés lors de randonnées, le lac de Vassivière, la Rigole du Diable, les tourbières de la Mazure ou les ruines de Crozant. Je me suis arrêté en lisière des forêts, au bord des routes, j’ai photographié les devantures abandonnées des ruelles de Bourganeuf où j’avais acheté une maison à quelques mètres de la place principale.
J’assumai le cliché : j’étais cet urbain en mal de campagne. Au lendemain du séisme du Covid le monde rural prenait sa revanche sur le mirage métropolitain. Comme on regarde défiler depuis la vitre du taxi un nouveau pays entre l’aéroport et l’hôtel, mes premières photographies sont sans doute teintées d’un exotisme un peu naïf.
Alors j’ai commencé à errer la nuit tombée dans les villes et les villages, et contacté un jeune journaliste, Alix Vermande, qui avait travaillé pour « La Montagne ». Grâce à ses contacts je suis parti à la rencontre des gens du plateau qui, à leur manière, nous rappellent que la Creuse a toujours été une terre de résistance, j’ai écouté les ex-salariés de GM&S à Guéret brutalement mis à pied, soucieux que leur combat en inspire d’autres en déposant une proposition de loi au Sénat. Le département se révélait peu à peu à moi de manière différente, plus complexe, plus intense, plus fragile aussi.
La responsable de la culture à la mairie de Bourganeuf m’a aidé elle aussi en m’ouvrant les portes du Tribunal de la ville à l’abandon depuis plus de 10 ans. J’y ai trouvé sous les combles quantité de vieux journaux, de dossiers abandonnés, à l’image du désert médical, administratif et de l’exode rural.
Nul besoin de caricaturer : le département porte jusque dans son nom cette charge d’abandon. Mais la Creuse ce sont aussi des hommes et des femmes ancrés dans leur terroir, fiers de leur identité, des gens solides, courageux, souvent taiseux et circonspects face à l’étranger, mais accueillants au bout du compte à celui qui vient d’ailleurs, heureux de lui faire découvrir la beauté d’une région qu’il y a urgence à réhabiliter.